Résultats préliminaires de l’enquête sur la réponse psychologique et comportementale face à la pandémie et sur l’influence des stratégies de communication et du discours dans les médias
COVID-19 : des troubles de stress et d’anxiété bien présents au Québec et au Canada, aggravés par la désinformation
Les premiers résultats de l’enquête canadienne sur les impacts psychosociaux liés à la COVID-19 menée par une équipe interdisciplinaire de l’Université de Sherbrooke au cours des derniers jours sont sans équivoque : les impacts psychologiques de la pandémie se font déjà sentir alors que le quart des répondantes et répondants présentent des symptômes significatifs de stress post-traumatique et d’anxiété.
L’information au cœur des préoccupations
Le sondage réalisé auprès de 600 personnes (300 au Québec et 300 hors du Québec) entre le 8 et le 11 avril démontre, entre autres, que les Québécoises et Québécois semblent plus confiants envers leur gouvernement que le reste du Canada. Ils estiment aussi avoir toute l’information nécessaire pour leur permettre de bien comprendre le coronavirus (83,7 %), comparativement aux répondantes et répondants du reste du pays (60,8 %). Plusieurs semblent aussi croire à diverses théories du complot et fausses nouvelles, ce qui peut accentuer les facteurs de stress liés aux impacts psychosociaux.
Un 2e sondage sera réalisé d’ici quelques semaines au Canada et dans 6 autres pays. Ces résultats, basés sur un échantillon de quelques milliers de personnes, permettront à l’équipe de recherche de comparer les données entre diverses régions et de suivre l’évolution de la réponse psychologique et comportementale face à la pandémie ainsi que l’influence des stratégies de communication gouvernementales et des différents discours présents dans les médias traditionnels et dans les médias sociaux.
Faits saillants liés aux impacts psychologiques
- Les données suggèrent qu’un Canadien sur quatre (25,5 %) souffre d’un trouble de stress post-traumatique probable lié à la pandémie et qu’une proportion tout aussi élevée (25,4 %) souffre d’un trouble d’anxiété généralisée probable.
- Les troubles de stress post-traumatique probables liés à la pandémie sont toutefois plus fréquents hors Québec (27,5 %) qu’au Québec (18,8 %).
- Il en est de même pour l’anxiété généralisée (28,8 % hors Québec contre 14,2 % pour le Québec).
- Les principaux stresseurs psychologiques sont liés à la stigmatisation et au fait que la pandémie soit perçue comme une menace élevée ou très élevée, tant sur le plan personnel que familial.
- Les Québécoises et les Québécois semblent davantage se soumettre (88,6 %) aux mesures d’isolement volontaire ou obligatoire que les personnes hors Québec (72,8 %), ce qui ne semble pas être associé à un niveau plus élevé d’anxiété ou de stress post-traumatique.
- En contrepartie aux différents facteurs de stress mentionnés, un facteur en particulier semble réduire les risques d’impacts psychologiques de la pandémie : la confiance envers les autorités. En effet, la moitié des Québécoises et Québécois ont un niveau de confiance très élevé envers les autorités (49,6 %), comparativement à 26,8 % pour les personnes hors Québec, ce qui pourrait expliquer les différences notées sur le plan psychologique entre le Québec et le reste du Canada.
Pour la docteure Mélissa Généreux, il est primordial de s’intéresser à la santé psychologique de tout un chacun en lien avec la crise.
Ce qui est préoccupant avec les données recueillies, c’est qu’elles nous confirment que les Canadiennes et les Canadiens sont affectés psychologiquement, et ce, de manière importante, par la pandémie. Il sera capital de suivre l’évolution de ces impacts psychologiques au fil des prochaines semaines et d’adapter le soutien offert en conséquence.
Mélissa Généreux, professeure-chercheuse en santé publique et médecine préventive à l'UdeS et à l’Institut universitaire de première ligne en santé et services sociaux du CIUSS de l'Estrie - CHUS
Faits saillants liés à l’information dans les médias traditionnels et les médias sociaux
- 51,3 % des répondantes et répondants au Canada estiment que le coronavirus est un phénomène naturel.
- Dans des sondages incluant des questions similaires, administrés en mars 2020, 57 % des Français et 43 % des Américains estimaient que le coronavirus est apparu de manière naturelle.
- 52,7 % des répondantes et répondants sont conscients d’avoir été exposés à une nouvelle qui s’est révélée fausse au sujet du coronavirus.
- 38,4 % estiment que leur gouvernement leur cache des informations importantes entourant le coronavirus.
- 15 % estiment que l’industrie pharmaceutique est impliquée dans la propagation du coronavirus.
- 21,3 % estiment qu’il existe déjà un médicament contre le coronavirus.
- 7,8 % des répondantes et répondants québécois et 15,7 % des répondantes et répondants ailleurs au Canada estiment qu’il y a un lien entre la technologie 5G et le coronavirus (différence significative entre le Québec et le reste du Canada).
- Les personnes qui présentent plus de méfiance envers les autorités et appuient plus faiblement les consignes gouvernementales semblent adhérer davantage aux théories complotistes entourant le coronavirus.
- L’adhésion aux théories complotistes et aux fausses nouvelles semble plus élevée chez les plus jeunes et les non-universitaires, ce qui va dans le sens de ce que relève aussi le Conspiracy Watch. Les fausses nouvelles sont donc plus susceptibles de s’ancrer chez les jeunes.
- Les personnes qui s’informent davantage par les autorités officielles ou les médias traditionnels semblent moins adhérer aux théories complotistes.
De ces résultats préliminaires, on peut déduire que minimalement une personne sur dix au Canada fait une lecture complotiste de la pandémie actuelle. Quand on croise ces données entre elles, on remarque que les réponses associées au complot sont liées les unes aux autres. Elles forment une conviction organisée, marquée par la méfiance à l’endroit de la science et des autorités gouvernementales.
Marie-Eve Carignan, cochercheuse et professeure spécialiste de la communication de risques et de crise ainsi que des enjeux sociopolitiques liés aux médias
À propos du projet de recherche
Une équipe multidisciplinaire de l’Université de Sherbrooke a obtenu une subvention de 500 000 $ pour mener à bien une étude internationale sur la réponse psychologique et comportementale face à la pandémie et sur l’influence des stratégies de communication, du discours dans les médias traditionnels et sociaux et d’autres stresseurs et facteurs de protection. La recherche porte le titre de The role of communication strategies and media discourse in shaping psychological and behavioral response to the COVID-19 outbreak: an international comparative analysis.
À l’UdeS, l’équipe est composée du professeur Gabriel Blouin-Genest, de la professeure Marie-Eve Carignan, du professeur Marc D. David, de la docteure Mélissa Généreux et du professeur Mathieu Roy, complétée par des chercheuses et chercheurs internationaux en communication stratégique, épidémiologie, information et journalisme, médecine, politique, psychologie, santé publique, etc., provenant de 6 pays, jusqu’à maintenant.
L’objectif principal du projet est de permettre une analyse (macro) de la perception et de l’interprétation des messages de santé publique (Organisation mondiale de la santé et gouvernements) et d’autres sources d’information (médias et autres) par les citoyennes et citoyens ainsi que des effets psychosociaux de la crise de la COVID-19 auprès de ceux-ci.